Note FNTR : La proposition de loi visant « à sanctionner la délinquance routière et à améliorer l’accompagnement des victimes de la route et de leur famille »
1 – Rappel du contexte
Selon l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), l’alcool est responsable de 23 % des accidents mortels, la prise de stupéfiants de 13 %, la vitesse excessive de 28 %.
La proposition de loi entend répondre aux recommandations formulées par le Comité interministériel de la sécurité routière réuni en juillet 2023, notamment celle de « renforcer la valeur symbolique de l’infraction d’homicide dit involontaire commis à l’occasion de la conduite d’un véhicule terrestre à moteur et permettre une meilleure acceptation sociale d’une telle qualification ».
Les auteurs du texte considèrent, en effet, que la qualification «involontaire» est inadaptée dans le contexte de la violence routière.
L’objectif affiché est «symbolique» : aider à apaiser la douleur des victimes qui, malgré les fautes de conduite à l’origine du drame, ne peuvent accepter la notion «involontaire» attachée à l’infraction qui a ôté la vie à leur proche.
Les pouvoirs publics considèrent ainsi que le délit d’homicide routier permet de reconnaître explicitement la gravité de l’acte commis. Cette nouvelle infraction vise à combler une lacune juridique, en modifiant la perception des infractions liées à la sécurité routière.
2 – La création de nouveaux délits routiers
La proposition de loi institue trois nouveaux délits, distincts de l’homicide involontaire ou de l’atteinte involontaire à l’intégrité de la personne :
- Le délit d’«homicide routier», requalification de l’«homicide involontaire», qui est caractérisé dès lors que le conducteur d’un véhicule a causé la mort d’autrui sans intention de la donner, alors qu’il a manifestement violé le Code de la route, qu’il était sous l’emprise d’alcool, de stupéfiants ou de substances psychoactives, qu’il roulait sans permis ou à une vitesse excessive, qu’il s’est rendu coupable d’un délit de fuite ou d’un rodéo urbain.
- Le délit de « blessures routières» qui est caractérisé en cas d’accidents non-mortels, survenus dans des situations similaires, et ayant causé des incapacités totales de travail (ITT). Ce dernier est divisé en deux délits : d’une part les «blessures routières» ayant causé une ITT de moins de trois mois et d’autre part les «blessures routières» ayant causé une ITT de plus de trois mois.
Ces nouveaux délits permettront de sanctionner les conducteurs dangereux ayant causé, sans intention volontaire, la mort ou des blessures. Elles seront caractérisées en cas d’une des circonstances aggravantes suivantes :
- » Violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité « ,
- Etat d’ivresse ou consommation de drogues et refus d’un contrôle d’alcoolémie ou d’un test salivaire,
- Consommation de substances psychoactives de façon détournée ou excessive (par exemple usage détourné du protoxyde d’azote ou surconsommation de médicaments) ;
- Conduite sans permis ;
- Excès de vitesse de 30 km/h ou plus ;
- Délit de fuite ou non-assistance à personne en danger ;
- Utilisation d’écouteurs ou d’un téléphone à la main ;
- Refus d’obtempérer ;
- Participation à un rodéo urbain.
Concrètement, les éléments constitutifs et les peines sont les mêmes que l’infraction «d’homicide involontaire par conducteur d’un véhicule terrestre à moteur», qui existe aujourd’hui au sein du Code Pénal (5 ans de prison et 75 000 € d’amende).
S’il y a une circonstance aggravante, le conducteur peut être puni d’une peine pouvant aller jusqu’à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende.
Cette peine pourra être portée à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende en présence d’au moins deux circonstances aggravantes.
À NOTER : en l’absence de circonstance aggravante, les qualifications des infractions restent l’homicide involontaire ou l’atteinte involontaire.
L’information des parties civiles en cas d’homicide routier est parallèlement améliorée, ce qui correspondait à une demande des associations de familles de victimes, notamment en cas d’appel d’une personne condamnée.
3 – Peines complémentaires et prévention
Le texte traite également des peines complémentaires encourues en cas d’homicide routier ou de blessures routières.
Les peines complémentaires pouvant actuellement être prononcées par les juges en cas d’homicide ou d’atteinte involontaire par un conducteur avec circonstance aggravante le seront également pour les nouveaux délits d’homicide routier et de blessures routières.
Parmi ces peines, on retrouve notamment : la suspension ou l’annulation du permis de conduire, l’interdiction de conduire certains véhicules, la confiscation du véhicule, l’interdiction de détenir ou de porter une arme…
Des peines complémentaires obligatoires pour certains délits sont prévues.
Ce sera le cas par exemple de la peine d’annulation du permis de conduire en cas d’homicide routier ou de blessures routières ayant entraîné une ITT de plus de 3 mois, ou encore de la peine de confiscation du véhicule en cas de conduite après usage de drogue et d’alcool.
L’échelle des peines complémentaires a été révisée pour mettre fin à des incohérences entre infractions et quantums de peines encourues. La durée maximale des peines complémentaires de suspension ou d’annulation du permis est ainsi modulée selon le caractère volontaire ou involontaire des atteintes à l’intégrité de la personne.
Enfin, pour les conducteurs condamnés, un module d’actions spécifiques pour prévenir la récidive de violences routières et la consommation de drogues est créé.
4 – Récidive, excès de vitesse, conduite sous emprise d’alcool ou de drogues
En matière de récidive, la liste des infractions assimilées aux infractions liées aux restrictions du droit de conduire est élargie. L’objectif est de renforcer le caractère dissuasif des sanctions pénales pour les multirécidivistes et de diminuer le nombre de conducteurs sans permis.
Le texte fait des excès de vitesse de 50 km/h ou plus un délit (et non plus une contravention) dès la première infraction, donc sans condition de récidive.
Le conducteur encourra jusqu’à 3 mois de prison et 3 750 euros d’amende (au lieu de 1 500 euros aujourd’hui). Le délit pourra être réglé par une amende forfaitaire délictuelle de 300 euros. Ces mesures s’appliqueront au plus tard fin 2025.
Les parlementaires ont également aggravé les peines en cas de conduite sous l’emprise de l’alcool et/ou de drogues et accru les peines complémentaires qui peuvent être prononcées.
Dans ces situations, la suspension administrative du permis de conduire deviendra systématique, et sa durée sera doublée pour les conducteurs de transports collectifs. En cas d’usage combiné d’alcool et de stupéfiants, le véhicule sera par ailleurs immobilisé et mis en fourrière.
Enfin, un examen médical obligatoire est instauré aux frais du conducteur en cas d’homicide routier ou de blessures routières. Aujourd’hui, entre l’accident et la décision de justice, il arrive que le conducteur impliqué puisse garder son permis de conduire sans qu’un contrôle médical sur ses capacités soit réalisé. Avec ce texte, le permis de conduire sera retenu à titre conservatoire jusqu’à l’examen médical.
5 – Impact de la loi sur l’activité des entreprises de transports routiers
En premier lieu, il faut souligner qu’il s’agit d’une loi de portée générale qui s’applique aussi bien aux conducteurs non-professionnels qu’aux conducteurs professionnels.
Ceci étant dit, il existe des distinctions attachées à certaines typologies de transports : le transport routier de personnes est particulièrement visé.
En effet, il est indiqué dans la proposition de loi telle qu’adoptée en seconde lecture par le Sénat (sans modification par rapport à la version issue de la seconde lecture de l’Assemblée Nationale) :
L’article L. 224‑2 du code de la route est ainsi modifié :
1° Au début, il est ajouté un I A ainsi rédigé :
« I A. – Le représentant de l’État dans le département doit, dans un délai de soixante‑douze heures à compter de la rétention du permis de conduire prévue à l’article L. 224‑1, ou dans un délai de cent vingt heures pour les infractions pour lesquelles les vérifications prévues aux articles L. 234‑4 à L. 234‑6 et L. 235‑2 ont été effectuées, prononcer la suspension du permis de conduire lorsque :
« 1° L’état alcoolique est établi au moyen d’un appareil homologué, conformément au 1° du I de l’article L. 224‑1, lorsque les vérifications mentionnées aux articles L. 234‑4 et L. 234‑5 apportent la preuve de cet état ou lorsque le conducteur ou l’accompagnateur de l’élève conducteur a refusé de se soumettre aux épreuves et aux vérifications destinées à établir la preuve de l’état alcoolique ;
« 2° Il est fait application de l’article L. 235‑2 si les analyses ou les examens médicaux, cliniques et biologiques établissent que le conducteur conduisait après avoir fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants ou lorsque le conducteur ou l’accompagnateur de l’élève conducteur a refusé de se soumettre aux épreuves et aux vérifications prévues au même article L. 235‑2. » ;
2° Les 1° et 2° du I sont abrogés ;
3° Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les cas prévus au I du présent article, les durées prévues au premier alinéa du présent II sont portées au double lorsque le conducteur est un professionnel chargé du transport de personnes. » ;
4° Au III, les mots : « du I » sont remplacés par les mots : « des I A et I ».
Le II de l’article L224-2 du Code de la route fixe les durées suivantes : «II.-La durée de la suspension du permis de conduire ne peut excéder six mois. Cette durée peut être portée à un an en cas
d’accident de la circulation ayant entraîné la mort d’une personne ou ayant occasionné un dommage corporel, de refus d’obtempérer commis dans les conditions prévues à l’article L. 233-1-1, de conduite sous l’empire d’un état alcoolique, de conduite après usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants et de refus de se soumettre aux épreuves de vérification prévues aux articles L. 234-4 à L. 234-6 et L. 235-2.»
Le secteur du transport routier de voyageurs avait fait part aux partenaires sociaux, en CPPNI Plénière, de son opposition à cette mesure et avait ensuite transmis un projet d’amendement et en avait informé la CPPNI Plénière. Le projet d’amendement était motivé comme suit : «Le doublement de cette durée pour les conducteurs professionnels du transport de personnes nous apparait comme une mesure discriminatoire qui s’appliquerait indépendamment que l’infraction ait été commise sur un temps de conduite professionnel ou non. En outre, elle méconnait l’encadrement rigoureux auquel sont soumis les conducteurs professionnels tant au moment de leur formation que tout au long de leur carrière ainsi que les efforts de prévention réalisés par les entreprises de transport routier de voyageurs.»
6 – Voir le texte de la «petite» loi : https://www.senat.fr/petite-loi-ameli/2024-2025/746.html
Source : FNTR : https://acrobat.adobe.com/id/urn:aaid:sc:eu:720ecc87-bcf2-4891-affa-a6e6aa80740b
Paris, le 04 juillet 2025
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