De l’ombre à la médaille : l’histoire inspirante d’Estelle Brun

 

 

 

 

 

 

 

 

Le 8 mai 2025, à l’occasion des commémorations de la Seconde Guerre mondiale, Estelle Brun a été décorée Chevalier de l’Ordre national du Mérite. Une reconnaissance forte pour cette dirigeante girondine, engagée depuis près de 30 ans dans le transport routier. Adhérente de l’UNOSTRA, elle incarne une nouvelle génération de dirigeantes dans un métier encore très masculin.

En tant que femme cheffe d’entreprise, qu’avez-vous ressenti en recevant la médaille du Chevalier de l’ordre national du Mérite le 8 mai dernier ?

« Quand le préfet a épinglé l’insigne sur ma veste, j’ai été submergée d’émotion. J’avais les larmes aux yeux devant les fanfares militaires et la Marseillaise. Moi, la “Madame Lambda” du bureau, je me retrouvais entourée de généraux, de gendarmes et d’élus. J’ai tout de suite pensé à mes grands-parents : mon grand-père, médaillé deux fois pour le transport routier, et ma grand-mère, trésorière pendant 35 ans au sein de l’Unsotra. Cette médaille, je la reçois pour eux autant que pour moi. »

 

Qu’est-ce que cette reconnaissance représente pour vous, à la fois personnellement et dans votre parcours professionnel dans un secteur encore très masculin ?

« C’est la reconnaissance de près de 30 ans de travail acharné. Quand on m’a dit “Vous incarnez un modèle”, j’ai senti le poids de cette responsabilité : prouver que la compétence et la détermination n’ont pas de genre. Personnellement, c’est un message d’encouragement : malgré les obstacles, on peut réussir. »

 

Selon vous, quels engagement ou actions ont particulièrement été salués à travers cette distinction ?

« Deux engagements ont été particulièrement salués : notre partenariat avec le lycée de Blanquefort, et notre politique stricte en matière de sécurité et d’éthique, qui exclut toute mission risquée ou non conforme aux normes de la réglementation Sociale Européenne. »

 

Les Transports Gilbert Blanc ont été fondés par vos grands-parents. En tant que petite-fille des fondateurs et aujourd’hui gérante, pouvez-vous nous raconter l’histoire de cette entreprise familiale ? Comment la transmission s’est-elle faite entre les générations ?

 » Fondée en 1948 à Mérignac par mon grand-père, l’entreprise familiale a d’abord transporté de la brande de bruyère. J’ai grandi dans cet univers, même si je rêvais un temps d’être fleuriste. En 1996, à 20 ans, je reprends l’entreprise en redressement judiciaire, épaulée par mon mari et deux conducteurs. La passion, je l’ai acquise sur le terrain. En 1999, je deviens conductrice, puis actionnaire majoritaire. L’histoire familiale se poursuit, avec des flux toujours actifs entre le Sud-Ouest et l’Est, notamment pour la faïencerie de Sarreguemines.  »

 

Quelles valeurs familiales continuez-vous de faire vivre à travers cette structure ?

 » L’honnêteté, le respect et la passion du métier. Nous respectons rigoureusement toutes les réglementations en vigueur — qu’il s’agisse de sécurité, de législation sociale ou de normes européennes. Je veux que mes conducteurs et mes clients aient la certitude qu’ils peuvent compter sur nous, à toute heure, de jour comme de nuit.  »

 

Comment se passe cette organisation au quotidien en tant que gérante et femme dans un environnement à majorité masculine ?

 » Sur le terrain, les réactions varient : certains conducteurs sont bienveillants, d’autres plus sceptiques. Je réponds par la rigueur et la ponctualité. Au bureau, peu de discriminations, mais parfois des rivalités plus marquées entre femmes. Mon principe : « prouver ma légitimité dès le premier jour.  »

 

Quels sont les principaux défis que vous rencontrez dans la gestion d’une entreprise familiale et de petite taille dans le secteur du transport ?

 » Les défis au quotidien : recrutement, entretien du parc, suivi clients, gestion des imprévus (Hausses de coûts et crises économiques). Nous avons fait le choix de rester sous la barre des dix camions pour maintenir notre agilité et notre qualité de service.  »

 

Est-ce que vous avez déjà rencontré des obstacles particuliers ou des contraintes vis-à-vis, en tant que cheffe d’entreprise ?

 » Le redressement judiciaire initial a fermé beaucoup de portes : banques, fournisseurs et clients étaient méfiants. Il a fallu dix ans de persévérance pour regagner la confiance et réinvestir dans du matériel neuf.  »

 

Qu’est-ce qui vous a poussé, vous en tant que gérante, à vous investir dans cette organisation professionnelle ?

 » Mon attachement à l’Unostra remonte à l’enfance, j’accompagnais ma grand-mère aux congrès régionaux. C’est le syndicat des petites entreprises indépendantes : réactif, proche du terrain et doté d’un réseau solide auprès des pouvoirs publics. Ludivine DUBERNET, la Déléguée, sait débloquer les situations les plus complexes.  »

 

Quel message aimeriez-vous faire passer aux femmes qui souhaitent, elles aussi, entreprendre dans le secteur du transport ?

 » N’ayez pas peur de vous imposer. Exigez le respect de vos compétences, ne laissez passer aucune remarque sexiste, et faites de votre professionnalisme votre meilleure arme.  »

 

Quels sont vos projets ou vos espoirs pour l’avenir des Transports Gilbert Blanc ?

 » L’avenir des Transports Gilbert Blanc reste familial. Je prévois de recruter un alternant et une nouvelle personne pour renforcer l’équipe. Mon fils et ma belle-fille sont prêts à reprendre le flambeau, et je resterai à leurs côtés pour assurer la transmission.  »

 

Un dernier mot à partager suite à cette reconnaissance nationale et à votre parcours ?

 » Recevoir cette médaille le jour de la Libération m’a profondément touchée. C’est la reconnaissance de plusieurs générations de passionnés, de l’engagement collectif et de la persévérance. Je suis honorée et motivée pour continuer d’innover, dans le respect de la sécurité, de l’éthique et de la passion du transport.  »

 

Paris, le 25 mai 2025